L'hypocrisie, phénomène de société ?

Vous aussi vous connaissez quelqu’un qui joue à Monsieur ou Madame Parfait…alors que vous savez pertinemment que c’est du flan ? C’est agaçant n’est-ce pas ? Et bien au-delà d’un défaut individuel, il s’agit peut-être là d’une réponse logique à notre système social.

Hallman & Spiro, deux économistes, proposent un modèle micro-économique stratégique pour tenter de comprendre le phénomène.

😇 Dans la vie sociale, on veut tous optimiser notre image morale (on veut plaire quoi). Mais on n’a pas tous la même "matière de base". Chacun·e d’entre nous a un type moral privé : certain·es sont naturellement bienveillant·es, justes, engagés tandis que d’autres ont des motivations bien plus égoïstes, voire antisociales.

👉 Et pourtant, tout le monde peut choisir la même action visible : tenir un discours engagé, défendre une cause etc...

Le modèle suppose que faire semblant d’être vertueux a un coût intrinsèque (psychologique, cognitif, émotionnel). Et ce coût dépend du « type moral » de chacun :

➡️ pour une personne sincèrement morale, agir selon la norme ne coûte rien : c’est aligné avec ses valeurs.

➡️ pour une personne très éloignée des valeurs sociétales (un "anormatif"), adopter un comportement moral est inconfortable, voire coûteux.

MAIS !!

📈 Si ce coût est très élevé dès les premiers efforts, il n’augmente plus tellement après...donc les individus les plus "anormatifs" ont tout intérêt à aller à fond dans le jeu du faux-semblant (dans l'hypocrisie...).

Cette théorie nous éclaire sur des comportements qu’on observe tout le temps :

🔹 le greenwashing des entreprises qui polluent mais parlent RSE,

🔹 les discours ultra-moraux des personnalités publiques…tombées ensuite pour harcèlement, violence ou corruption,

🔹 le “militant modèle” qui humilie celles et ceux qui font différemment.

Ce modèle économique rejoint des concepts bien connus en psycho sociale comme le conformisme stratégique « je fais ce qui est bien vu, pas ce que je pense », la théorie du signal « j’affiche publiquement certaines valeurs pour briller », ou l'imposture morale « je fais semblant d’être exemplaire pour éviter la critique ». 

Mais ps : rien n’est figé, chacun évolue au cours de sa vie, et en fonction des contextes.

🔁 Alors à nous de choisir :

- quel type de société veut-on nourrir ?

- ne devrait-on pas récompenser davantage les démarches sincères (mêmes imparfaites), plutôt que les apparences morales ?

📚 Retrouvez l'article de Hallman & Spiro (2023) ici : https://doi.org/10.1016/j.jebo.2023.05.007